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Abstract :
[fr] Sur une pièce d’identité, nous retrouvons notre nom, prénom, date de naissance, sexe, photographie, signature, adresse, dans certains cas, ainsi que différents éléments reconnus par une administration permettant de nous définir et de nous distinguer. « Mon identité » me rend unique, elle signifie que personne ne m’est identique.
Mais l’identité, dans une approche non juridique, renvoie également à différentes formes d’identification qui dépendent à la fois de facteurs objectifs (langue, culture, milieu social ou économique, traits physiques) et subjectifs (sensibilités politiques ou philosophiques). L’identité n’a pas nécessairement besoin d’être reconnue ou officialisée, elle dépend d’un attachement émotionnel. Ce « sentiment d’appartenance » peut très bien entrer en contradiction avec des éléments factuels. À titre d’exemple, un individu peut s’identifier « à gauche » sans pour autant que cela soit lié à une appartenance ou non à une catégorie socio-économique.
Pour rompre avec toute approche essentialiste, l’identité est une notion complexe et vide mais pas pour autant vide de sens. En d’autres mots, l’identité n’est pas un état ni un objet : elle demeure fondamentalement virtuelle. Seuls ses effets sont tangibles : guerres, révolutions, naissance d’une nation, mais également luttes en faveur de l’élargissement des droits, politiques migratoires, productions locales, etc. Malgré son caractère non-matériel, l’identité n’en demeure donc pas moins une réalité. Elle se créé, elle évolue et elle définit un ensemble de comportements, d’opinions et de valeurs tant individuels que collectifs pouvant être les moteurs de revendications religieuses, territoriales, ethniques, sociologiques, voire biologiques.
Si l’identité est un élément central de socialisation et de construction de l’individu ou de la collectivité, elle est également un vecteur de division. Car si l’identité définit, comme toute définition, elle induit nécessairement une exclusion. Tout processus de définition entraine nécessairement le rejet de ce qu’il ne recouvre pas. À l’extrême, une identité peut être vidée de tout contenu positif et s’articuler au travers d’une pure opposition. « Je » ne renvoie plus à « moi » mais à ce que les « autres » ne sont pas. Cette forme d’ « identité négative » se définit « contre » les autres identités en insistant sur la différence, la frontière et le rejet. L’identité est alors un moteur de conflits et d’édification de clivages (nationaux–non-nationaux, francophones-néerlandophones, chrétiens-musulmans, féministes-machistes, local-global, etc.), voire, dans certains cas, de ségrégation et de discriminations (racisme, culturalisme, protectionnisme, etc.).
Les principales luttes sociales et politiques, nationales et internationales de ces dernières années illustrent, pour la plupart, ces différentes problématiques identitaires entre reconnaissance officielle et personnelle, entre valeurs positives et négatives, c’est-à-dire constituant des formes d’intégration et/ou d’exclusion : les mouvements indépendantistes catalans, écossais, lombards, le Brexit, les politiques anti-migratoires proposées par les partis d’extrême droite (mais pas uniquement), les politiques mémorielles en matière d’histoire et de transmission « d’une Histoire », les revendications religieuses et le fameux « choc des civilisations », le protectionnisme d’une certaine Europe blanche et catholique opposée à l’Islam, la construction européenne, la reconnaissance des minorités, l’inscription de nouveaux droits pour les femmes ou les homosexuels, etc.