The "Liber fratrum cruciferorum leodiensium" or the Organ’s Repertoire in the Low Countries

Au XVIe et XVIIe siècles, la ville de Liège, capitale d’un vaste diocèse et d’une principauté d’Empire, est perçue tel un « paradis des prêtres » avec son imposante cathédrale, ses sept églises collégiales, sa trentaine d’églises paroissiales et ses nombreuses abbayes et monastères. Pour se faire une idée du répertoire interprété dans les institutions religieuses, peu d’inventaires sont conservés. Le Liber fratrum cruciferorum leodiensium (Université de Liège, ms. 153), unique manuscrit de musique conservé du couvent des frères croisiers, révèle néanmoins que les Liégeois pratiquent la musique italienne et celle de leurs contemporains anglais, actifs dans les Pays-Bas. Daté de 1617, il comprend cinquante-quatre pièces pour orgue, dont certains unica de Jan Pieterszoon Sweelinck et de Peter Philips, ainsi que des fantaisies et des échos d’Andrea Gabrieli, Claudio Merulo, Vincenzo Pellegrini, Christian Erbach, Paul Siefert et William Brown, associés à quelques pièces d’un compositeur liégeois, Gérard Scronx. Il constitue en outre l’un des plus anciens témoignages d’indications précises de registration.
Le caractère résolument moderne de la musique pour orgue à Liège mérite d’être soulignée, en regard des inventaires conservés pour la même période dans les anciens Pays-Bas. Les choix du copiste se clarifient à la lumière des rapports entre Liège et la capitale des Pays-Bas. Nous les avons examinés via l’activité des musiciens liégeois à Bruxelles, en particulier à la collégiale Sainte-Gudule, elle-même en liens étroits avec la cour, via les inventaires de musique bruxellois également, l’activité des facteurs d’orgue et enfin, via les rapports entretenus entre les organistes anglais immigrés à Bruxelles et des personnalités liégeoises. C’est grâce à ce qu’il convient d’appeler un réseau que pénètre et s’installe en effet à Liège un répertoire contemporain.