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Abstract :
[fr] Dans le cadre d'une discussion à la croisée de l'architecture et de la philosophie, cette contribution propose de s'attarder à un moment précis de l'histoire récente de l'architecture : la rencontre orchestrée entre Jacques Derrida et Peter Eisenman. Deux hommes auxquels on propose de se rencontrer. Mais surtout, deux disciplines auxquelles on impose de se croiser.
Pour revenir sur cet échange aux ambitions interdisciplinaires, nous choisissons de nous concentrer sur un moment précis ; leur Choral Works comme scène (réduite) de cette rencontre ; leur Choral Works en tant que livre, projet et événement médiatique. Mais ils ne faut pas aller très loin dans l'analyse de ce « travail commun » pour que très vite une première difficulté apparaisse : comment parler d'une rencontre des savoirs quand les protagonistes prétendent d'eux-même qu'elle n'a jamais eu lieu ? L'éloquente violence de leur correspondance ne suffit-elle pas pour conclure d'un non-lieu ? Ne s'agit-il pas au final de tout simplement reconnaitre qu'ils ne se sont pas compris ?
Peut-être ; mais ce serait si facile.
Choisissons plutôt de croire que cette histoire ne peut pas s'en arrêter là. Rejouons la scène. Remettons en jeu leurs attentes et ré-écrivons la fin de leur rencontre manquée. L'objectif est ici de redécouvrir ce qui semblait construire leur intérêt commun, et le mettre à l'épreuve de leurs reproches réciproques. De représenter le décalage entre leur premières admirations et leurs dernières accusations. En marquer l'écart ; le mesurer pour en faire une source de savoir.
Pour travailler cet écart, nous planterons le décor depuis l'arrangement de la rencontre ; avec Bernard Tschumi dans le rôle de l'entremetteur et le projet pour le parc de La Villette comme lieu de rendez-vous. Nous nous consacrerons également aux premiers textes de Derrida sur l'architecture (Point de folie – Maintenant l'architecture, Cinquante-deux aphorismes pour un avant-propos) ; au texte du philosophe sur l'architecte américain (Pourquoi Peter Eisenman écrit de si bon livre) ; et à leurs réflexions communes sur khôra et leurs esquisses respectives pour un Choral Works.
Bien sur, donner de l'intérêt à une énième relecture de ces textes, même si remis en perpective à partir de leur contexte médiatique, n'est pas un exercice gagné d'avance. Loin de là.
Toutefois, si nous acceptons de prendre encore ce risque, c'est qu'il s'agit d'y défendre une intuition : l'intuition qu'il existe aujourd'hui une ré-actualité de la pensée derridienne en architecture. Alors la première étape pour soutenir cette intuition est ici de mesurer l'écart de nos erreurs passées en vue d'ajuster nos attentes en devenir.