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Abstract :
[fr] Quelques chercheurs (notamment Bennet et Bennett 2000 ; Hagerty, 2012 ) ont récemment noté, lors de leurs enquêtes auprès de personnes ayant perdu un proche, le régime très particulier par lequel ces personnes décrivent leurs relations avec leurs défunts. Celui-ci pourrait être caractérisé, en référence au rapport mode mineur/mode majeur, comme un régime par lequel elles induisent activement un relâchement à l’égard du souci de cohérence qui guide les narrations, proposant des énoncés simultanément contradictoires. Ces narrations font alterner des types d’explications qui tantôt obéissent aux règles de la rationalité, tantôt les transgressent ouvertement, souvent au sein du même énoncé. Ces modes de présence « alternés » de soi-même eu égard à deux types de discours qui mobilisent chacun de manière différente leur expérience me semblent pouvoir être considérés comme relevant de modes successifs, et probablement délibérés, de relâchement, de jeu, avec le mode majeur — à la fois relâchement par rapport à la cohérence et relâchement par rapport à la rationalité tout en se maintenant en rapport avec elle. Non seulement ces énoncés traduisent l’expérience elle-même comme une expérience d’alternance de modes de présence différents, mais on constatera, en outre, que ces personnes décrivent cette expérience en veillant soigneusement à rendre chacun de ces régimes très perceptibles, à les restituer dans leur vitalité propre : on est dans le rêve et dans la réalité. Simultanément. On reçoit un signe et on le cherche activement. Simultanément. On fait l’objet d’une requête et on appelle délibérément le défunt à requérir . La contradiction volontairement assumée traduit ce régime de vitalité singulier de l’expérience, tant le jeu avec de multiples modes de présence, que l’alternance complexe d’adhésion et de doute qui l’accompagne et qui l’autorise.