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Abstract :
[fr] De la perversion, comme modalité d’accès au plaisir sexuel terminal, à la personnalité perverse, comme structure fonctionnelle, il y a un pas franchi sans même que l’on s’en rende compte, comme si l’une engendrait naturellement l’autre et vice-versa. Pourtant Freud déjà soulignait que le fait de présenter une perversion sexuelle n’impliquait en rien ni une personnalité particulière ni une pathologie mentale quelconque. Mais alors, que désigne-t-on comme personnalité perverse en l’absence de perversion sexuelle? Quel isomorphisme entre le fonctionnement sexuel et le fonctionnement psychique permet-il cette assimilation?
En bref, on peut proposer que la non perception de l’objet désiré entraîne une déception à laquelle certains sont incapables de se résigner. Sur le plan sexuel, le fétiche remplirait, par substitution, cette fonction d’objet désiré déniant l’absence du « véritable » objet attendu (le pénis). De façon plus globale, le non renoncement à l’objet désiré mais défaillant induirait une double réaction, consistant l’une en l’inversion de la situation de privation vécue passivement en conduite active de quête d’une réparation, l’autre en un investissement de tout élément par lequel une satisfaction indue vient signifier le triomphe sur la déception.
Ce modèle se défausse quelque peu du modèle freudien fondé sur l’angoisse de castration pour favoriser un modèle plus fondamental, moins spécifique centré sur l’intolérance à la limitation et sur la recherche systématique du dépassement des limites comme moyen de s’assurer contre le manque. La transgression n’est qu’un cas particulier du dépassement des limites, et la transgression de la loi, un cas particulier de transgression.
Le modèle suppose que l’on admette l’hypothèse du quiproquo (qui pro quo) en tant qu’opération par laquelle le désir « préfère » se satisfaire d’un substitut, d’un ersatz (qui) qui entretient son illusion d’omnipotence et évite l’angoisse du manque (du pénis ou de tout autre objet désiré) en le prenant pour (pro) l’objet désiré (quo), plutôt que d’admettre la réalité décevante de l’absence de l’objet.
Cette approche semble pouvoir rendre compte des aspects cliniques tant des perversions sexuelles que de la personnalité perverse, en ce que l’une et l’autre sont des formes d’insoumission à la réalité, avec les aspects problématiques mais aussi créatifs qu’elles impliquent.
Les notions de déni et de clivage du moi sont, dans un langage théorique ou un autre, nécessaires pour rendre compte de la coexistence d’attitudes différentes et incompatibles vis-à-vis de la réalité. Elles devraient amener à avoir une lecture moins moralisatrice et stéréotypée de ce qui est qualifié de manipulation, insincérité, malignité chez les « pervers ».