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Abstract :
[fr] La question des violences sexuelles au sein des populations étudiantes suscite de plus en plus d’attention. L’actualité nous rapporte que pas moins de 85 universités américaines dont Princeton et Harvard sont placées sous surveillance fédérale en raison des agressions sexuelles vécues par 17 à 25 % des étudiantes. Toujours Outre-Atlantique, près de 40 % des violences sexuelles perpétrées touchent des jeunes filles âgées de 18 à 24 ans. De nombreuses études dans différents pays, dont la Belgique, rendent compte de la présence d’une multitude de facteurs de risques rendant l’analyse de ce phénomène complexe. Parmi ceux-ci, on évoque notamment l’alcoolisation importante tant des auteurs que des victimes. On relève des abus de substance pour 74 % des auteurs et 55 % des victimes et la surconsommation de boissons alcoolisées entraîne des agressions sexuelles d’intensité variables chez 25 % des étudiantes aux prises avec ce type de situations festives ou folkloriques. En Belgique, les recherches rapportent également que 10 à 13 % des rapports sexuels dans ces moments de consommation font l’objet de regrets de la part des jeunes victimes alcoolisées. Mais d’autres facteurs sont également à prendre en compte pour appréhender la question des violences sexuelles dans les milieux estudiantins. En effet, celles-ci ne sont pas uniquement perpétrées durant des moments d’excès mais également dans des situations quotidiennes et essentiellement par des proches (80 % des victimes connaissent leur agresseur). Il faut dès lors se pencher sur la complexité des représentations sous-jacentes aux comportements d’abus sexuels tant chez l’auteur que chez la victime et s’interroger sur la dynamique du consentement. L’idéal d’un consentement libre et éclairé est souvent mis à mal et internalisé tant par l’auteur que par la victime en fonction de la multiplicité des réalités subjectivement apprises. Il apparaît que cette forme de violence sexuelle intra-universitaire est avant tout une violence de genres. Du point de vue des agresseurs, le « laddism », la « culture des mecs », comme elle est parfois appelée, se révèle être une approche machiste et ludique des rapports de genres. Ceux-ci véhiculent une multiplicité de stéréotypes sexuels qui tendent à réduire la jeune femme au rang d’objet sexuel pouvant être le moteur de jeux ou de paris comme le «underhanding» par lequel les étudiants « s’amusent » à glisser la main dans les sous vêtement de victimes féminines non consentantes, ou encore amenant les auteurs à comptabiliser le nombre de rapports sexuels durant une soirée festive sur un campus. A l’inverse, du point de vue des victimes féminines, dont seulement 12 % portent plainte, la récurrence des comportements d’agressions sexuelles engendre une banalisation des formes mineures de sexualisation de relations telles que des remarques ou des blagues sexistes, des regards appuyés sur des parties anatomiques, des attouchements,…
Notre recherche poursuit deux objectifs. Le premier est de constituer un état des lieux actualisé des comportements connotés sexuellement pouvant être vécus comme intrusifs au sein de populations étudiantes de diverses universités. Cet état des lieux vise à rendre compte du caractère multiforme des violences sexuelles, leurs caractéristiques allant de la simple remarque sexiste à l’agression sexuelle proprement dite ainsi que leurs prévalences. Nous étudions également différentes variables susceptibles d’influer sur la perception des comportements sexuels et sur la tolérance vis-à-vis de ceux-ci et pouvant constituer des facteurs de risques de passage à l’acte chez l’auteur autant que de victimisation. Le second objectif est d’analyser, selon une perspective sociocognitive, les systèmes de représentations qui sous-tendent le point de rupture entre le consentement et l’agression sexuelle définissant le caractère transgressif de l’acte tant chez l’auteur que la victime.
La méthodologie s’appuie sur l’administration, auprès d’un panel mixte de plusieurs centaines d’étudiants universitaires, toutes facultés confondues, d’un questionnaire de victimisation et de délinquance auto-révélée. Dans cette communication, nous présentons la première phase de résultats de la recherche réalisée au sein de l’Université de Liège sur une population de plusieurs centaines d’étudiants.