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Abstract :
[fr] La surpopulation carcérale et le surendettement figurent parmi les problèmes sociaux que le système politique peine à endiguer. En Belgique, deux juridictions s’en chargent : les tribunaux de l’application des peines [TAP] d’un côté, les tribunaux du travail [TT], compétents en matière de règlement collectif de dettes [RCD] de l’autre. Cette contribution propose de comparer les pratiques des juges dans ces deux juridictions. Cette mise en perspective permet de saisir deux évolutions du travail des juges et, par conséquent, de la Justice : premièrement, leurs pratiques se caractérisent par une triple dimension sociale, morale et légaliste ; deuxièmement, leur pouvoir de décision semble glisser vers ce que certains d’entre eux qualifient de « pouvoir régulateur ».
La description et la comparaison des processus de traitement des dossiers d’application des peines et de RCD mettent en scène des juges qui, depuis près de sept ans, travaillent collectivement, avec des assesseurs ou avec des médiateurs. Nombreux sont les juges à préciser qu’ils ne jugent « pas vraiment », mais qu’ils rendent des décisions, dans une pratique du droit « plus proche des gens ». Les dossiers traités par ces juges se caractérisent quant à eux par leur complexité et leur longue durée de vie, comme en témoignent les « plans » (de réinsertion et de remboursement) qui y sont examinés. Ces dossiers sont évalués en cabinet par les juges puis discutés à l’audience qui devient un lieu d’écoute, d’orientation, de ré-orientation (plusieurs « passages » des justiciables). Les juges sont alors amenés à user de normes plus qu’à appliquer automatiquement les textes de loi, ce qui traduit les dimensions sociales, morales et légalistes de leur travail.
Nous nous baserons sur deux études de cas réalisées au cours des deux dernières années dans deux TAP et quatre juridictions du travail en Belgique francophone. Ces enquêtes reposent sur des entretiens semi-directifs (n = 40 pour les TAP ; n = 48 pour le RCD).