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Abstract :
[fr] Les diverses observations réalisées dans le cadre d’une enquête sur les nouveaux usages historiens des images montrent que ces dernières ne sont pas seulement pourvoyeuses de nouveaux objets. En effet, elles constituent un embrayeur de la connaissance ; elles offrent un modèle d’intelligibilité. Dès lors, mon hypothèse est que l’image détermine de nouvelles modalités du savoir historique.
Afin d’éprouver mon hypothèse, j’étudierai un cas concret : l’œuvre d’Alphonse DUPRONT.
Dans les travaux de DUPRONT, l’image ne constitue pas la problématique mais est un matériau privilégié. C’est elle qui sert, au mieux, le dessein historien, en l’occurrence l’anthropologie historique d’une expérience de religion, expérience inscrite au cœur du vécu social.
Une déconstruction du texte dupronien révèle que l’image est convoquée, systématiquement, pour mesurer le temps long des phénomènes, leur origine, leur devenir, leur disparition, leur maintien sous l’une ou l’autre forme, de l’une ou l’autre manière. L’image révèle donc efficacement le vécu collectif que vise DUPRONT.
Selon sa perspective, le passé ne peut être réduit à la succession linéaire des causes et des effets ; il faut considérer le temps long, transcendant les siècles, au cours duquel les phénomènes surviennent, se terrent et rejaillissent. (Cette conception originale de la longue durée a déjà été remarquée. Cf. surtout HERMAN DE FRANCESCHI, « L’irruption de l’événement dans le temps de l’Histoire. Rythmique événementielle et longue durée selon Alphonse Dupront (1905-1990) », Revue historique, 659 (juillet 2011), p. 611-636.) DUPRONT entend donc montrer le travail du « temps survivant ».
Pour ce faire, DUPRONT préconise une démarche originale : une « induction explorante ». À une perspective particulière correspond une méthode particulière qui passe par une approche tout aussi singulière du document. En effet, l’historien examine un « matériau objectif » où s’entremêlent Passé et Présent. Parmi les sources, c’est l’image qui, dans la démonstration de DUPRONT, révèle le plus parfaitement la longue durée des événements.
Ainsi, sont étroitement intriquées les catégories du temps (DUPRONT, on l’a vu, développe une conception particulière de la longue durée) et de l’image (matériau ad hoc pour réaliser le projet de l’historien). Il me semble que cette intrication des catégories vient de ce que la définition du temps (longue durée), ici, engendre une conception de l’événement (c’est-à-dire du vécu qu’étudie l’historien) s’accordant à une certaine définition de l’image (l’image entendue comme agrégat d’hétérogènes et, par-là, possédant un potentiel d’actualisation) ; dès lors, événement et image partagent une même propriété, celle d’être actualisables.
Cette contiguïté catégorielle fonde le modèle heuristique dupronien. En cela, sans être l’objet de l’enquête, l’image occupe une place prépondérante. Elle est un embrayeur du savoir ; elle offre un modèle d’intelligibilité.