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Commentary :
Selon Pierre Sorlin, 4/5e des clichés photographiques du XIXe siècle seraient des portraits (Les Fils de Nadar, Nathan, 1997). Bourgeois et artistes, écrivains et comédiens, gens d’église et gens de science, Versaillais et Communards, nul n’échappe, quoi qu’il en dise, au rapt photographique ni ne résiste longtemps, s’il s’en défie, à la construction photographique de sa propre représentation. En 1856, le dessinateur Marcelin, en confrontant, dans Le Journal amusant, l’image peinte de quelques célébrités de la vie des lettres et des arts tels que Delacroix, Ingres ou Dumas à leur portrait photographique, afin de faire valoir la supériorité du dessin sur le cliché dans la saisie de la personnalité intime d’un artiste, en faisait la preuve par le contraire : entre 1840 et 1880, l’essor du portrait photographique tient d’une révolution esthétique et culturelle, grosse de puissants effets sur la représentation et la réception de l’écrivain, vu à la fois comme acteur de la vie littéraire, comme personnage social et comme effigie symbolique. L’omniprésence du portrait photographique et son poids croissant sur les représentations collectives de l’écrivain au fil du XIXe siècle n’ont pourtant guère encore été étudiés de façon approfondie et systématique. L’une des raisons en est, sans doute, que, dans un espace scientifique très compartimenté, la photographie d’écrivain émarge à différentes disciplines qui n’ont que très rarement l’occasion d’entrer en dialogue fécond, telles que la sémiotique, l’histoire de l’art, l’esthétique, la sociologie, l’histoire littéraire ou encore l’histoire culturelle. Une autre raison en serait que le médium photographique colonise, au fil du siècle, des supports et des modes de diffusion de plus en plus divers, qu’ils relèvent du portrait carte, de la presse, du livre ou bien encore de l’image et de l’affiche publicitaires.