Le travail sur Soi. Vers une psychologisation de la société ?

Nous sommes entrés dans une société du travail sur Soi. Pour les individus, il s’agit d’être sujets de leur existence, de construire leurs propres parcours de vie, de se chercher à travers des « épreuves sans fin ». Mais ce travail sur Soi, ne s’accomplit pas seul. Il met en scène non seulement l’« autre », à travers la dynamique de l’échange, mais encore tout un ensemble de dispositifs d’intervention qui ont vu le jour au cours de ces dernières décennies pour aider à produire un nouveau type d’individualité plus active, plus responsable. De nouvelles réponses publiques sont apparues, répondant ainsi à la crise des politiques providentielles éducatives, tutélaires ou assistantielles jugées trop passives ou inefficaces. Tout un patient travail avec et sur les personnes s’est déployé, à petits pas, dans les institutions psycho-médico-sociales auprès des personnes les plus vulnérables. Mais au-delà, nombre d’expériences déployées à la marge se sont progressivement diffusées pour alimenter un nouveau mode de gouvernement des personnes sur elles-mêmes, non plus seulement pour protéger ou indemniser les plus faibles mais pour rendre dorénavant les individus acteurs de leur propre existence. Exercice sourd qui est venu faire série avec un long travail accompli dans la quiétude des institutions, tout autant qu’avec leur dépassement critique. C’est cette évolution originale vers la mise sur pied d’un nouveau mode de gouvernement des personnes par elles-mêmes que les auteurs proposent d’examiner, esquissant au passage une comparaison de nos traditions libérales aux États-Unis et en Europe Continentale.