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Abstract :
[fr] La notion de friction implique forcément celle de contact, ce qui, à l’évidence, intéresse au tout premier chef les images à caractère photochimique. Dans le cadre de cette communication, j'interroge la notion de friction dans le champ du cinéma d’expérimentation, en me concentrant plus particulièrement sur les films du cinéaste (et peintre) américain Paul Sharits (1943-1993).
À partir de "Color Sound Frames" (1974), l’œuvre de Sharits connaît une mutation profonde. Pour une large part, le travail du cinéaste consistera désormais à refilmer des fragments de pellicule déjà impressionnés, images appartenant de facto à la catégorie du déjà-vu. Pour ce faire, Sharits mobilise un écran transparent et un projecteur trafiqué, dont il a ôté et la griffe, et le mécanisme d’obturation. Retournant l’une contre l’autre les deux machines sur lesquelles se fonde le spectacle cinématographique, procédant par « anti-cadrage » et reprise de vue, le cinéaste orchestre, au plus intime de ses œuvres, d’intenses rapports de friction entre le film second (ou film filmé) et le film premier (ou film d’accueil, celui qui se déroule sous nos yeux) ; il accuse, de manière très méthodique, les discordances qui affectent les deux niveaux de la représentation, que ce soit en termes de vitesse, de texture ou de stabilité des motifs.
Ma communication se donne pour but d’étudier, dans tous ses enjeux, les frictions internes qui traversent les films tardifs de Paul Sharits, dont "Tails" (1976) et "Bad Burns" (1982). Dans le cas de ce dernier film, le rapport de friction s’exacerbe, se déporte et tourne au conflit ouvert entre l’image et la source lumineuse censée lui donner vie : il se solde ponctuellement par des destructions apparentes du support filmique, petits désastres figuratifs qui ont paradoxalement valeur, selon Sharits, d’actes analytiques à part entière.